- Rétrospective de la Wii, partie 3 -




Ni Shigeru Miyamoto, ni Satoru Iwata, n'auront su prédire la vague immense de réussite, mais aussi d’embûches, qui allait suivre les premiers millions de ventes de la Wii. Une déferlante sans pareil qui soulevait la question de l’engouement. Car passée l’expérience de la nouvelle manette, la Wiimote et son Nunchuk, tous les regards se tournaient vers les jeux et le contenu. La faille du succèsWii Sports est premier jeu à vendre les mérites de la console et de sa nouvelle façon de jouer. Un succès, un vrai. Toute la famille du joueur se met à la console, cela devient un véritable phénomène. Celui qui ne possède pas sa Wii pour jouer avec ses amis n’est pas un joueur, non. Du moins, il ne l’est plus. Si Nintendo a réussi à faire adopter sa console à un public plus large grâce à des jeux ouverts à tous, toujours aussi familiaux, mais toujours plus accessibles, il a aussi réussi à changer le marché. Et dans l’inconscient collectif, jouer aux jeux vidéo n’est plus devenu un passe-temps, un jeu d’enfant ou un problème de geek, c’est devenu quelque chose de “normal”. Une normalité qui a ses limites, puisque quand une tendance pointe le bout de son nez, une contre-tendance tire dans l’autre sens. Jouer aux jeux vidéo devient le plaisir de tous, de 7 à 77 ans, mais tous ceux qui ne se retrouvent pas dans la nouvelle politique de Nintendo sont aussitôt mis à l’écart, reconsidérés. On pourrait les appeler hardcore gamers, nolife ou ce qu’on veut, à cette époque, celui qui préférait passer son temps sur un Tales of plutôt que sur Wii Sports se sentait exclu.Une stratégie qui porta ses fruits sur l’instant, qui vit naître de nouvelles catégories de joueurs et un nouveau dénominatif : le casual gaming.Les publicités Wii de l’époque sont là pour le confirmer : Nintendo a bel et bien changé sa stratégie depuis le GameCube. On pourrait même évoquer le revirement de situation suite au semi-échec causé par une cible de plus en plus restreinte : celui qui joue pour son plaisir. La famille est mise en avant, le jeu en retrait. Puisque finalement, le contenu n’est pas si important, ce qui compte est bel et bien l’attitude et l’apparence. Les apéros Wii sont nés. La tendance est donc là, et s’avère vite suivie par la manne de développeurs toujours en quête d’un public plus large. Electronic Arts, Ubisoft, THQ... tous se mettent à créer des jeux qui n’en sont pas réellement. Au placard l’histoire et les backgrounds travaillés, l’important, c’est l’instant. Ubisoft ouvre le pas, et va même jusqu’à sacrifier l’une de ses plus belles mascottes sur l’autel du casual gaming : Rayman. Rayman contre les Lapins Crétins sort le même jour que la Wii en Europe, et ce qui était sensé être un nouvel épisode du héros sans bras, ni cou, ni jambes se transforme vite en un cumul de mini-jeux, certes amusants, mais sans véritable lien avec la série Rayman, reposant surtout sur le concept de lapins aussi insupportables qu'hilarants. Les mini-jeux définiront le casual gaming et en constitueront le plus gros morceaux avant l’arrivée des jeux de bien-être. À tel point qu'Ubisoft réitérera à maintes reprises l’expérience Lapins Crétins, Electronic Arts subira le même effet de mode avec EA Playground ou Boom Blox, Activision n’y échappera pas non plus avec des adaptations de licences sous le couvert du party-game, tel que Shrek le Troisième... Sans oublier l’apanage des jeux de société, grands classiques des tables des bonnes familles, qui finissent en version numérique sur Wii.Tout ce casual gaming aura fort soutenu la Wii durant ses deux premières années d’exploitation, qui auront vu la Wii se vendre à près de 45 millions d'exemplaires dans le monde, selon les chiffres de Nintendo de l'époque. Un effet de mode diront certains, néanmoins difficile de retirer à Nintendo la réussite de son opération. À tel point qu’aujourd’hui, il n’est plus si dérangeant de voir une console de jeu vidéo hanter des milieux autrefois hermétiques à la technologie (cf. Musée du Louvre et la 3DS). Un véritable tour de force qui entraînera la concurrence à faire la pareil avec le Playstation Move et le Kinect pour des résultats plus ou moins aussi probant. Mais un public occasionnel, c’est aussi et surtout un risque pur. Difficile pour Nintendo de qualifier son public, qui dépasse rarement les sessions courtes des apéritifs. Un problème qui pousse de plus en plus de gens à laisser leur console de côté : un manque de véritables jeux.À situation périlleuse, action désespéréeSentant le vent tourner, c’est à la fin 2008 que Nintendo comprend que son cœur de cible est et restera le joueur qui joue pour son plaisir. Car c’est lui qui définit la courbe de réussite d’une console, lui qui dicte ses besoins en matière de contenu. Et la Wii, à cette époque, manquait cruellement de contenu pour parler à ce public se sentant délaissé de part et d’autres. Non content de perdre un public occasionnel qui finalement, n’achète et ne joue pas tant que ça, Nintendo se met à dos sa propre communauté forgée dans le temps. La solution ? Créer des jeux. Proposer du service. Et combattre une concurrence de plus en plus féroce. Et si les parades ne sont pas toujours parfaites, elles font preuves de bonne volonté : le WiiWare vient renforcer en 2008 une offre creuse du côté du online, qui se contentait depuis la sortie de la console d’un système de Virtual Console, proposant simplement d’anciens jeux déjà maintes et maintes fois retournés par les habitués. En cela, Nintendo espère proposer quelque chose d’innovant et au niveau du Xbox Live, dans une veine qui lui est propre : valoriser la création de jeux originaux par le biais d’un système en ligne réservé aux petits studios. Une bonne idée sur le papier, qui est officialisé en grandes pompes via un communiqué sur le site presse de Nintendo le 27 juin 2007 : on parle alors de Wii Software pour l’Europe, WiiWare pour les États-Unis. Il s’avère que seul le terme WiiWare sera retenu dans le langage courant par la suite. Débarquent alors les premiers jeux inédits, conçus par des studios indépendants, prêts à tout pour fournir du fun à petit prix. C’est donc le 20 mai 2008 que débarque sur Wii le service WiiWare, et ses premiers jeux, dont le fameux LostWinds, développé par Frontier Developments et de l’idée du génial créateur David Braben, à qui l’on doit déjà l’excellente série Elite sur les micro-ordinateurs BBC. LostwindsUn soutien au démarrage qui renforce l’aspect online, mais ne rassure pas les joueurs qui veulent des jeux un peu plus ambitieux, la limite de taille des titres du Wiiware étant de 40 mégaoctets. Car oui, la limite de taille imposée est telle que les développeurs commencent vite à se sentir à l’étroit avec le temps. En plus de la taille, il y a également des conditions peu avantageuses pour les développeurs qui se lancent sur la plate-forme, comme l'obligation d'atteindre un certain seuil de vente en moins de deux ans pour espérer être rémunéré. Selon le studio Icon Games, il fallait ainsi atteindre 3000 ventes en zone PAL ou 6000 ventes en zone NTSC pour les jeux de 40 Mo, et 2000 ventes en zone PAL ou 4000 ventes en zone NTSC pour les jeux de 16 Mo pour enfin toucher son dû de la part de Nintendo. Une rigidité qui va sévèrement les développeurs indépendants de talent du Wiiware, qui bénéficient de bien plus de place sur Xbox Live Arcade ou le PSNetwork. C'est le cas par exemple de l'excellent Super Meat Boy, sorti à peu près partout sauf sur Wiiware faute de place. Le service parviendra malgré tout à proposer de nouveaux titres chaque semaine, la plupart sortant dans l'indifférence générale.Nintendo comprend vite qu'il est grand temps de faire revenir des valeurs sûres sur le terrain, avec l’annonce à l’E3 2006 de Super Mario Galaxy, le blockbuster qui met en avant les qualités de la Wii : une maniabilité assurée pour un concept nouveau d’approche du jeu vidéo. Résultat, à sa sortie le 16 novembre 2007, Super Mario Galaxy s’écoule comme des petits pains. On arrive en août 2009 à plus de 8 millions de jeux vendus. Sa suite, intitulée sobrement Super Mario Galaxy 2, ne se fera pas attendre et sera annoncée à l’E3 2009 pour peaufiner une expérience réussie. Un joli coup pour Nintendo qui réussit à remettre la Wiimote dans les mains de ceux qui n’y croyaient plus. Malheureusement, comme une oasis dans un désert, Nintendo semble être le seul à se battre pour rétablir les ponts entre les joueurs et sa console. Car pour les éditeurs tiers, l’idée est plutôt de profiter du public large des occasionnels, jusqu’à étanchement. Activision ne lâche pas sa série musicale Guitar Hero, tandis que d’autres s’aventurent dans de souvent bien pâles copies de Wii Sports, comme Sports Island et consorts. Super Mario Galaxy : Mario pète le feuQuand il y a un accessoire ça va...Une autre tendance problématique pour la Wii fut son "accessoirite" aiguë. Dès sa sortie, de nombreux constructeurs d'accessoires avaient inondé le marché de raquettes, battes, skates et autres sabres pour agrémenter le plaisir de jeu en famille. Même Nintendo s'y met : le Wii Zapper, sorte de fusil en plastoc spécialement conçu pour les jeux de tir, est annoncé en 2007 et sort à la fin de l'année en Europe en bundle avec Link's Crossbow Training, un spin-off médiocre de l'épisode Twilight Princess, le tout pour un prix de 30 euros. L'accessoire est certes compatible avec la pelletée de jeux de tir sortis sur Wii, mais largement dispensable en plus de ne jamais être obligatoire pour jouer. Vous l'aviez oublié celui-là hein ?Plus intéressant, en avril 2008 débarque la Wii Balance Board, en compagnie du célèbre jeu de fitness Wii Fit. L’idée est de ressaisir le public craintif qu’est l’occasionnel, en lui prouvant que la Wii peut tout faire. Wii Fit saura redonner une nouvelle jeunesse à la console, grâce à son usage des technologies Wii au bénéfice du bien-être. La Balance Board s’avère efficace et précise, suffisamment pour doser la puissance et le poids des personnes la chevauchant. Couplée à la Wiimote, elle devient l’outil idéal de calcul pour Nintendo, qui remplace n’importe lequel des matériels onéreux de salle de sport par une simple tablette. Cette “accessoirisation” n’aura dès lors de limite que l’imagination des développeurs : utiliser la Balance Board comme un skate ou un snowboard ? Skate It, Shaun White Snowboarding ou Snowboard Riot sur WiiWare débarquent, tout comme les inévitables clones de Wii Fit et leurs starlettes américaines du fitness en? vedette. Se servir de la Balance Board comme d’une croix directionnelle géante ? Tetris Party ou Vertigo s’y adaptent. C'est quand il y en a plusieurs que ça pose problème...Et les limites seront encore repoussées avec l'annonce en juillet 2008 du Wii Motion Plus, gadget censé rendre plus précise la Wiimote, en se “clipsant” en bout de télécommande. L'accessoire, vendu tout de même une vingtaine d'euros à l'été 2009, promet une fidélité totale aux mouvements du joueur qui tient la Wiimote. Les joueurs sont sceptiques : la Wiimote n'était pas justement censée être le summum de la reconnaissance de mouvement ? Nintendo s'explique à l'époque par une demande des développeurs pour plus de précision dans la Wiimote afin de faciliter le développement des jeux. Les jeux utilisant de manière obligatoire le WMP, justement, se comptent sur les doigts d'une seule main :? Wii Sports Resort, Red Steel 2, FlingSmash, Wii Play Motion et enfin, en toute fin de vie de la console, Zelda Skyward Sword. Une vingtaine de jeux est compatibles de manière optionnelle avec l'accessoire, apportant par exemple plus de précision et de réactivité . Au final, cela représente peu de titres et c'est peut-être tant mieux, tant le risque d'éclater le marché entre joueurs possédant l'accessoire et ceux ne le possédant pas (ou ne voulant pas payer pour l'obtenir) était grand. À noter que la Wii U héritera elle aussi de cette schizophrénie : certains de ses jeux requièrent l'accessoire, (comme par exemple Metroid Blast et The Legend of Zelda : Battle Quest dans Nintendoland), mais il ne sera pas obligatoire dans tous les jeux comme nous le confiait Nintendo à l'E3 2012. Dieu merci, depuis quelques temps les Wiimotes vendues en magasin sont équipées d'office avec le Wii Miotion Plus, ce qui permettra peut-être d'éviter la casse.L'"accessoirisation" finit même par tourner au gag. Lors de l’E3 2009, Satoru Iwata annonce lui-même sur scène la sortie prochaine d’un gadget pour le moins original : le Wii Vitality Sensor, un petit oxymètre qui se fixe au bout du doigt et qui mesure la pression sanguine, autrement dit si l'utilisateur est calme et détendu ou si au contraire il flippe comme un cochon à l'abattoir. Le Wii Vitality Sensor peine déjà à convaincre lors de son annonce, et malgré la volonté d’aller toujours plus loin dans l’expérience utilisateur, le public n’est pas prêt à mettre son physique en jeu à ce point-là. L’audience n’est pas assez mature pour Nintendo, qui décide d’annuler purement et simplement la sortie du produit, sans n'avoir jamais vraiment expliqué comment l'accessoire serait utilisé en jeu. Le Wii Vitality SensorUn coup de mou et ça repartLes années 2008-2009 furent donc difficiles pour Nintendo : la Wii commence à accuser son retard technologique, l’écart graphique entre la Playstation 3 et la Xbox 360 s’étire lentement, et l’effet de nouveauté de la Wiimote, du jeu physique, s’épuise à mesure que les produits concurrents que sont le Kinect (ex-projet Natal) et le Playstation Move se dévoilent. En somme, il est grand temps de bâtir quelque chose de nouveau. Cette nouveauté se traduit par plusieurs actions : l’annonce d’une succession à la Wii (sans y apporter le moindre détail avant l’E3 2011) ainsi que la recherche de contenu exclusif. La mode des accessoires étant passée, il est grand temps pour Nintendo de revenir à l’essentiel, en se concentrant sur ce qui fait le succès d’une console : ses jeux et ses annonces. Des points sur lesquels nous nous arrêterons dans la quatrième partie de notre dossier de rétrospective, avant d’achever sur le chant du cygne d’une console en fin de vie, tel que nous le vivons à l'heure actuelle.Article écrit par Kiklox & Blayrow. Retrouvez également la partie 1 et la partie 2 de notre rétrospective de la Wii. La suite dimanche prochain !

Actualité publiée en partenariat avec : Nintendo Difference



- Postée le 11/11/12 par Nintendo Difference (Blayrow) -

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