- Rétrospective de la Wii, partie 2 -




Suite de notre rétrospective en 5 parties à découvrir chaque week-end jusqu'à la sortie de la Wii U le 30 novembre prochain. Bonne lecture à tous [Accéder à la partie 1]. Voici la seconde partie de notre dossier retraçant les débuts de la Wii et détaillant les raisons de ce succès planétaire. Des débuts fracassants« Je l’ai ! » s’écria Paul Billzner en sortant du plus grand Toys’R’Us de Times Square à New York une Wii à la main, en présence de Reggie Fils-Aimé, le président de NOA. Jamais de mémoire d’homme une console de jeu n’avait suscité une telle effervescence depuis la sortie de la PlayStation 2 (souvenez-vous), console la plus vendue de tous les temps.? Des queues gigantesques à New York, d’autres tout aussi incroyables à Paris, Londres et Tokyo (où des files d’attente de plus de 1.000 personnes sont à constater), des scènes absolument inattendues pour une console Nintendo, d’autant que la firme sortait du plus grand échec commercial de son histoire (hors Virtual Boy) avec la GameCube et ses seulement 22 millions de consoles vendues. Il faut dire que depuis la Super Nintendo, Hiroshi Yamauchi, président d’alors, n’avait plus réussi à reprendre le fauteuil de leader, pis, il avait vu avec la Nintendo 64 puis la GameCube ses parts de marché fondre comme neige au soleil. De gauche à droite (Hiroshi Yamauchi, Satoru Iwata & Shigeru Miyamoto)En ce temps-là, Nintendo n’innovait que par ses manettes et la qualité intrinsèque de ses jeux vidéo, mais à une époque où le marketing était roi et où les compromis avec les éditeurs tiers étaient obligatoires, Nintendo restait inéluctablement de marbre et continuait sa politique isolationniste et arrogante, conscient d’être à la base du succès planétaire de la console de salon (avec la NES) et d’être le meilleur développeur de l’époque. Mais c’est avec cette politique que Nintendo va creuser son propre tombeau, et l’éclaircie va venir d’un homme qui n’a fait que grandir dans l’estime de Yamauchi : Satoru Iwata. C’est lui qui est l’instigateur du renouveau chez Nintendo, lui, l’ancien programmeur à mi-temps chez Hal Laboratory (Kirby, Earthbound, Super Smash Bros.) va propulser Nintendo à des niveaux de ventes record et remettre la société sur le devant de la scène. Impensable lorsqu’on oppose la précédente console qu’était la GameCube et ses 22 millions de ventes à la Playstation 2 de Sony et ses 110 millions de ventes d’alors (153 aujourd’hui). Pourtant, 6 ans après le lancement de la Wii, la console culmine à 96 millions d’unités vendues, un succès phénoménal auquel Nintendo aura bien du mal, les mois précédents la sortie de la console le 8 décembre 2006 (Europe), à répondre. Des pénuries lors de lancement de console on avait déjà vu ça, mais celles-ci étaient rapidement circonscrites… pas ici ! La demande était toujours plus grande, le phénomène Wii s’empara du monde entier, les parents, les grands-parents, ceux-là mêmes qui n’avaient jamais touché une console de jeux vidéo se mettaient subitement à vouloir cette console, de célèbres journaux papier en faisaient leur une. Nintendo avait visiblement réussi son coup, un peu trop bien d’ailleurs. Mais au fait, pourquoi un tel succès ? Un succès incroyable !Dès 2004, Nintendo est conscient d’une chose : qu’il est en train de perdre la bataille du jeu vidéo sur consoles de salon. Toujours solidement ancré dans la console portable où il est le leader incontesté, Nintendo, par la voie d’Iwata, son nouveau président, va cependant lourdement tout remettre en question. Il? est intimement convaincu, dès sa prise de fonction mi-2002, que pour agrandir les profits de l’entreprise et garantir la pérennité de son pôle console portable, sa société ne pourra éternellement compter sur ses jeux et licences comme ils l’avaient fait avec la Game Boy Advance. D’autant que la Game Boy Advance a perdu des parts de marché depuis la Game Boy première du nom avec « seulement » 80 millions de consoles vendues contre 118 millions pour son ainée. Il ne veut pas se voir réitérer les erreurs du passé par péché d’orgueil comme ce fût le cas avec la GameCube et il sait par expérience que les ventes de software, aussi qualitatives soient-elles, ne pourront éternellement résister à la concurrence. Il en a l’expérience avec la GameCube qui se vend très mal et qui est pourtant à l’époque au top de ce qui se fait graphiquement.? La PlayStation 2, moins puissante graphiquement, écrase totalement la GameCube et l’ogre Sony prépare dans l’ombre une PlayStation Portable avec qui il faudra bientôt partager le marché de la console portable. Le temps où les consoles s’affrontent avec de simples jeux vidéo est révolu selon Iwata. Comment convaincre les gens d’acheter une console plutôt qu’une autre à une époque où 80% des jeux d’alors sont multi-plateforme ? Nintendo a fait l’erreur avec la GameCube de jouer la carte du graphisme en croyant naïvement que la qualité des jeux pourrait être suffisante pour faire fonctionner commercialement une console, l’avenir révélera qu’il n’en est rien. C’est sur ce constat qu’Iwata va créer la Nintendo DS, celle-là même qui va inspirer Nintendo quelques mois plus tard pour imaginer la Wii ou la Revolution comme on l’appellera alors pendant de nombreux mois. La Nintendo DS n’est pas une console offrant des graphismes puissants, mais elle innove, elle offre une expérience de jeu encore jamais vue qui va faire parler d'elle à une époque où l’attention médiatique peut faire ou défaire le succès d’une console. Les ventes de la DS sont phénoménales et dépassent largement celles de la Game Boy Advance en leurs temps, et surtout, la PSP qui est sortie en même temps au Japon ne fait pas le poids. Elle est pourtant munie d’un plus grand écran et de meilleurs graphismes, mais le constat de Nintendo en créant la DS est payant. C’est ce constat qui va les pousser à continuer dans cette politique de « console attraction ». « Les graphismes ne sont plus suffisants pour se démarquer, alors nous nous démarquerons par l’innovation de notre hardware, mais ceci toujours au profit du software » déclare Iwata à l’époque. Et Nintendo sait y faire, toujours très créatif avec ses manettes, ils vont mettre sur le devant de la scène une nouveauté extrêmement alléchante : la reconnaissance de mouvement. À l’époque, tout le monde rêve de casque virtuel (souvenirs souvenirs), de jeux vidéo plus immersifs, les graphismes seuls ne suffisent plus et Nintendo sait que le jeu vidéo a besoin d’élargir son public cible au risque de s’étouffer dans une concurrence terrible. Nintendo se démarque des deux autres constructeurs, il n’en fallait pas plus pour attirer vers eux l’intégralité des regards. Et le concept de la Wii est si facile qu’il attire en masse des personnes qui n’avaient jamais touché à un jeu vidéo auparavant. La presse s’emballe et le feu prend. Les qualitatifs dans la presse de l’époque ne manquent pas.La Wii crée l’hystérie collectiveL’intelligence d’Iwata n’aura pas seulement été de proposer la seule console innovante de l’époque, ça aura été aussi de s’inspirer des techniques publicitaires d’Apple pour créer une toute nouvelle image de marque à la société. 200 millions de dollars investis dans la publicité pour la Wii, ce sera 20% de plus que pour la GameCube. Nintendo, dans l’ère Iwata, n’a plus la même image, car Nintendo n’utilise plus les mêmes codes. Cela commence déjà par le design de la console, fin et épuré. Mais ça continue dans sa campagne publicitaire où Nintendo met volontairement en scène des adultes et des vieillards, le tout dans des ambiances blanches et épurées, lissées et adaptées à tout public. Fini les publicités adressées aux seuls core-gamers, désormais Nintendo veut s’adresser à tout le monde, une technique risquée, mais qui va s’avérer payante. Toutes les boutiques sont en rupture de stock alors que la console n’est pas encore sortie. Nintendo sait que les réservations déjà enregistrées sont 50% trop élevées par rapport à ce qu’ils sont capables de fournir. 400.000 consoles en Day One pour le Japon, trop insuffisant au vu des réservations estimées à près de 700.000. Les usines travaillent alors jour et nuit, mais la sanction tombe pour des millions de joueurs à travers le monde, et notamment concernant les Européens le 8 décembre 2006. Car ce jour-là, ils seront nombreux à hurler au scandale dans les rayons de la Fnac ou des supermarchés, ces derniers étant bien incapables de fournir une console à tous ceux qui l’avaient réservée. Pire, il faudra souvent attendre près de deux mois pour réussir à honorer les toutes premières précommandes. Nintendo est totalement dépassé par ce succès, mais qu’importe, ils continuent à matraquer le web et la télévision de publicités, ils invitent des journaux qui ne parlaient jamais de jeux vidéo avant à venir tester la console, passent des partenariats avec des maisons de retraite prônant les bienfaits de faire bouger le troisième âge… l’action de Nintendo explose à la bourse quelques heures à peine après la sortie de la Wii, augmentant dès les premières heures de 6.2%. Nintendo retrouve alors une action à son plus haut niveau depuis avril 2002. Car si le succès incroyable de cette console s’explique par l’innovation et la publicité, elle s’explique aussi par son prix très abordable donnant à tout le monde la possibilité de s’offrir une technologie innovante pour 249€ (199€ conversion faite pour les États-Unis). Les jeux vidéo sont eux aussi abordables, surtout ceux estampillés Nintendo qui sont vendus seulement 50€, soit 20€ de moins que la concurrence et ses softs proposés à 70€ pièce. Cette image ne vous rappelle rien ?Nintendo a aussi l’intelligence de sortir dès le lancement de la machine un tout nouveau Zelda, quel meilleur ambassadeur que ce jeu pour vendre des consoles ? Certes, le jeu était à la base prévu uniquement sur GameCube mais qu’importe, car cette petite inspiration stratégique cumulée à toutes les autres attire tant les gamers, que les fans de Nintendo et les non-joueurs (que l’on appellera quelque temps plus tard les casual).Car le line-up est très bien pensé à l’époque, il offre par exemple pour les Japonais pas moins de 17 jeux, souvenez-vous :- Trauma Center : Second Opinion (Atlus)- Elebits aka Eledees en europe (Konami)- Machikuru Domino (Success)- Necro Nesia (Spike)- Super Monkey Ball : Banana Blitz (Sega)- Super Swing Golf Pangya (Tecmo)- Wing Island- Kororinpa- SD Gundam G Breaker (Namco Bandai)- Ennichi no Tatsujin (Namco Bandai)- Tamagotchi (Namco Bandai)- Red Steel (Ubisoft)- Wii Sports (Nintendo)- Wario Ware : Smooth Moves (Nintendo)- The Legend of Zelda : Twilight Princess (Nintendo)- Your First Step to Wii (Nintendo)Le tour de force sera confirmé par Reggie Fils-Aimé à l’époque : « Nintendo fera des profits sur chaque vente de Wii ». La console intègre une technologie proche de la GameCube en termes de graphismes (bien que la Wii soit plus puissante, Super Mario Galaxy le prouvera quelques mois plus tard) ce qui permet à Nintendo de réduire drastiquement ses coûts. Ils n’ont pas inclus de sortie HD, ni de lecteur DVD et aucun câble RGB n’est à constater, autant d’économie qui permettront à Nintendo de proposer une console non seulement abordable, mais également remplie de bénéfices. La Wii est sortie aux États-Unis le 19 novembre, avant le Japon (2 décembre) et l’Europe (8 décembre) et enregistre en l’espace de 8 jours près de 600.000 ventes, générant plus de 190 millions de dollars de chiffre d’affaires. La console est alors en rupture de stock. Et le ratio de consoles vendues avec le jeu Zelda est impressionnant : 75% des acheteurs américains prennent la console avec le titre, soit 454.000 jeux vendus. Nintendo a réussi son pari. Iwata avait sacrifié la GameCube en repoussant le jeu de près d’un an, pour en faire profiter la Wii plutôt que son aînée que plus rien ne pouvait sauver, et si cela ne fut pas à l’avantage des joueurs que nous étions à l’époque, cela l’aura été au moins pour Nintendo.? Et tout s'enchaîne pour la Wii, où elle affronte des faits divers qui vont plus la servir que la desservir. Ainsi, le Wall Street Journal rapporte à l'époque des témoignages de joueurs non habitués aux mouvements trop énergiques que demande la Wii, se plaignant de se retrouver en sueur après quelques heures de jeux, les membres engourdis. Des faits divers dont Perrin Kaplan, la responsable Marketing de l’époque s’amusait en déclarant que « ces joueurs auraient peut-être besoin de faire un peu plus d'exercice ». La Wii ayant désormais l'image d'une console active faisant perdre du poids et étant bonne pour la santé, il n’en fallait pas plus pour attirer encore plus de monde vers le jeu vidéo et Nintendo. De nombreux joueurs américains ayant réservé la console et n’ayant pu l’obtenir faute de stocks suffisants se plaignent.? Nintendo, par la voie de Reggie Fils-Aimé, l’emblématique président de Nintendo of America, promet alors 250.000 consoles par semaine, ce qui confirma la volonté de Nintendo de distribuer 4 millions de Wii pour fin 2006. Nintendo ne veut surtout pas laisser les joueurs lésés sur le carreau trop longtemps et pour cause, la nouvelle console de Sony, la PlayStation 3, est sortie aux États-Unis. Et elle est sortie, ô curieux hasard, le même jour que la Wii pour contrer immédiatement Nintendo et l’enterrer pour de bon. Mais la console ne se vend pas très bien, seulement 200.000 unités, soit moitié moins que les prévisions de Sony. Les magasins se retrouvent donc pleins de PlayStation 3 et Nintendo ne veut pas donner du grain à moudre à Sony en favorisant leurs ventes au détrhyment des ruptures de Wii. Mais la rupture est mondiale ; au Japon, la console s’est écoulée à 400.000 unités le premier jour et il n’en reste plus une seule sur l’archipel. 200.000 consoles par semaine seront alors distribuées sur le territoire… pour un million de consoles écoulées au 31 décembre. On sent bien à ce moment-là que la page GameCube est tournée. D’autant qu’en Europe, dernière zone où la console doit encore sortir, celle-ci explose tous les records. Au Royaume-Uni, elle se vend à 50.000 unités en douze petites heures et les ventes européennes atteignent des sommets, si bien que la Wii réalise le meilleur départ de l'histoire pour une console de salon avec 325.000 unités écoulées en seulement deux jours. À l’image des américains, près de 75% des consoles vendues en Europe le sont avec The Legend of Zelda : Twilight Princess. L’Australie enregistre également avec la Wii le meilleur démarrage? de son histoire pour une console de salon, preuve que le succès de la Wii fut unanime dans le monde entier.Dirigé de façon exemplaire durant près de 50 ans par Yamauchi, Nintendo a été cédé au bon moment, si ce n’est à temps, à Satoru Iwata. Yamauchi aura porté Nintendo, cette société de cartes à jouer, à des sommets inégalés et à la pointe de la technologie en sortant notamment la NES dans le début des années 80. À chacun sa génération, et il était vital que Nintendo se renouvelle au début des années 2000, ce qui fut le cas avec la nomination de Satoru Iwata par Yamauchi. Il a réussi avec la Wii à battre des records et à flanquer une sacrée correction à Sony et sa PlayStation 3. Nintendo aura pris tous les risques et aura réussi à imposer à nouveau sa griffe dans l’espace vidéoludique, Kinect ou encore le PlayStation Move en étant la preuve flagrante. Le succès d’une console tient en même temps à peu et à beaucoup de choses, et il est toujours difficile à prévoir. Un constat qui nous fait penser à ce que Don Thomas, ancien directeur marketing chez Atari Corporation, avait jadis déclaré dans les années '90, une phrase lourde de sens sur laquelle nous nous quitterons et qui en fera certainement méditer plus d’un… « Personne, pas même moi, ne pensait que la Gameboy allait décoller à ce point. La Gameboy est la preuve la plus flagrante que dans cette industrie, on ne peut être sûr de rien. De fait, chaque fois que quelqu’un me montre un projet sur lequel je suis dubitatif, je me rappelle que la Gameboy, aussi, m’avait fait douter. » Remettront-ils ça avec la Wii U ?

Actualité publiée en partenariat avec : Nintendo Difference



- Postée le 02/11/12 par Nintendo Difference (Draco) -

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