Après quatre ans et demi de développement, les studios Eden Games (ou plutôt en l'occurrence - pour cette version Wii - Hydravision, créateurs de la série Obscure) sont fiers de vous présenter leur nouveau bébé. S'étant auparavant concentrés sur la course pure et dure au moyen de leur série Test drive unlimited, ils prennent aujourd'hui l'audacieux pari de relancer LA saga de survival-horror à la française qu'est Alone in the Dark. D'ailleurs, si ce nouvel opus n'est en aucun cas numéroté, c'est bel et bien pour insuffler un souffle de renouveau à la série et de prendre un départ différent, retravaillé.

Ce n'est plus un secret pour personne, les événements d'Alone 5 prennent place au coeur du sombre espace vert de Central Park, l'un des lieux les plus effrayant de nuit selon les rares téméraires ayant osés s'y aventurer. Enfin, il est toutefois nécessaire de nuancer cette situation car, en effet, si le cadre principal du titre se révèle clairement bucolique la plupart du temps, les premières heures de jeu se dérouleront dans un immeuble en prise aux flammes... C'est dans cet environnement que le joueur effectue d'ailleurs ses premiers pas aux commandes de Carnby.

Hé oui ! Toujours de ce bon vieux Edward Carnby, héros, si je ne m'abuse, depuis le premier épisode de la série. Enfin, il faut bien admettre qu'il n'est désormais plus au meilleur de sa forme... Amnésique, relativement âgé, désorienté, ... Papy Edward ne sait plus trop où il en est ! Et pour cause : il se réveille dans une salle étrange, dont la lumière vive l'aveuglera, (il vous faudra d'ailleurs cligner des yeux afin d'y voir clair à l'aide de la touche "bas" de la croix directionnelle) avec, autour de lui, des personnes lui étant à priori inconnues manigançant manifestement quelque chose de pas net, de criminel, même. Mais avec son cerveau en compote, difficile pour notre héros d'assimiler quoi que ce soit. C'est donc docilement qu'il obéira aux sommations de l'homme et de son arme à feu, le précédera sans chercher à comprendre... Il aurait dû se faire abattre froidement et l'histoire s'arrêterait là... Sauf qu'un évenement innatendu se produit et change considérablement la donne !

Carnby sera alors maître de ses mouvements et vous révèlera petit à petit sa panoplie de mouvements plutôt fournie. On commencera avec une descente en rappel détonante requérant un tant soit peu d'adresse afin d'esquiver les débris tombant du toit pour poursuivre ensuite avec un Carnby qui se la joue Pompiers de France en sauvant de simples civils de l'incendie au moyen d'un extincteur, en passant par la ruade automobile sur la 59e... Tout ceci servi par une mise en scène aux petits oignons façon block-buster hollywoodien. L'action ne vous lâche pas une seconde et on en prend plein la vue ! Ou plutôt on devrait en prendre plein la vue... Effectivement, les faiblesses techniques de la Wii rendent parfois cette mise en scène incohérente à cause des quelques bugs et d'une esthétique pas toujours au poil, mais j'y reviendrai plus tard.

Il n'y a pas à dire, ce nouvel Alone in the Dark évoque en tous points un film d'action trépidant. A propos, pour les plus impatients d'entre vous, le titre propose également une "interface DVD" qui, à l'instar des menus de ce support, vous permettra de naviguer par chapitres ou, plus précisément, d'un check point à un autre, voire carrément de zapper tout un épisode, ce qui équivaut à peu près à une heure de jeu. Cette solution permet aux joueurs novices de passer un passage sur lequel ils bloquent ou encore aux casuals-gamers impétueux de démarrer le titre par sa fin, histoire de se gâcher le plaisir... Chacun y va à son rythme. Attention toutefois à ne pas tomber dans la facilité : dès que vous mourez, hop, passage au niveau suivant... Tout le plaisir de jeu s'en retrouverait gâché, il s'agit du double tranchant de cette méthode.

Mine de rien, le déroulement conserve une certaine diversification qui fait qu'on ne s'ennuie jamais dans cet Alone in the Dark. On change régulièrement de décors, le gameplay des phases diverge régulièrement vers une maniabilité différente, plus ou moins réussie en fonction. Ainsi, on trouve des idées plutôt sympathiques, on se demande d'ailleurs pourquoi personne n'y a pensé plus tôt ! Par exemple, la conduite de véhicule s'avère très réussie et novatrice ! En effet, la Wiimote et le nunchuck sont tenus à la verticale, en face de soi, écartés de quelques centimètres. On les tourne donc simultanément afin de simuler la prise ne main d'un véritable volant. Tout à fait convaincant !

Mais intéressons-nous davantage au gameplay de base, les contrôles de Carnby. Tout d'abord, sachez que le titre propose deux vues différentes (on passe de l'une à l'autre en appuyant sur la touche C du Nunchuck) : la vue à la troisième personne, assez rapprochée du dos du héros, ainsi que la vue à la première personne, façon FPS, primordiale afin de se servir d'une arme à feu. Ainsi, la Wimote fait office de bras droit de Carnby tandis que son appendice contrôle le bras gauche. Bon, il ne s'agit pas là d'un maniement direct, soyons clair ! Mais ces petits soucis de réalisme incrustés dans la maniabilité se révèlent rafraîchissants. Le must demeure tout de même la façon d'ouvrir l'inventaire : puisque ce dernier représente les poches de Carnby, pour y accéder, il suffit de produire un geste identique ! Nunchuck et télécommande parallèles, on écarte ces deux manettes, comme si on ouvrait véritablement notre veste ! Plutôt fun, ces détails étoffent davantage le côté réaliste déjà ultra poussé du soft.

Car ne cherchez pas de barre de vie, de compteur de munitions ou même de plan du niveau à l'écran... Toutes ces fioritures et autres indications n'apparaissent à aucun moment à l'écran ! Et on dira ce qu'on voudra mais cela a tout de même le mérite de vous plonger à 200% au coeur de l'enfer de Central Park !

On se rendra rapidement compte que dans ce nouvel Alone, les munitions ne tombent pas du ciel... Estimez-vous heureux si vous découvrez une recharge dans un coin de niveau ! Mais alors, comment se débarrasser de vos horripilants adversaires, hein ? C'est là que les développeurs ont choisi de laisser libre cours à votre créativité ! Si il faut bien avouer que l'interaction avec le feu n'est pas aussi poussée dans cette mouture Wii que sur les autres supports, Hydravision est parvenu à pallier à cette concession grâce à quelques artifices malicieux. Il existe en effet certains points prévus pour que vous puissiez enflammer vos objets, chaises, projectiles, ... Ces points sont bien évidemment scriptés et n'offrent pas une liberté aussi jouissive que sur nouvelle génération (360 et PS3), mais s'avèrent tout de même sympathiques. Et ce n'est pas tout ! Combiner deux accessoires permet également d'occire les bêtes féroces qui se placeront en travers de votre route. A titre d'exemple, agiter la flamme de votre briquet devant le souffle d'un spray médical produira un lance-flamme de fortune du plus bel effet ! Cramer ces créatures de l'ombre ne sera plus qu'une formalité.

Les possibilités de ce nouvel épisode sont innombrables et, de surcroît, se révèlent petit à petit au cours de l'aventure, ce qui renouvelle constamment le gameplay du soft. Et si Alone in the Dark 5 met plus souvent l'accent sur l'action plutôt que l'horreur, il offre tout de même quelques passages relativement angoissants, surtout si vous jouez de nuit. Il est évident que la tension des précédents volets a bel et bien disparue, ce qui était probablement souhaité par les développeurs, mais lorsque cela permet de laisser la place à un rythme effréné et un scénario au multiples rebondissements, on ne s'en plaindra pas... En principe.

Par contre, au niveau horrifique l'ambiance manque réellement de convictions. Effectivement, l'IA médiocre des zombies peine à nous convaincre et on aura parfois tendance à s'assoupir légèrement lors des rixes avec ces derniers... Surtout que la présence de ces morts-vivants hostiles s'avère injustifiée et ne surprend pas même les protagonistes de l'histoire ! Bah oui, ils se baladent, ils voient des zombies, tout va bien, c'est normal... Dommage, la terreur en prend un coup. Seules les séquences, évoquées plus haut, telles que l'exploration dans les égouts, où vous êtes seul avec comme seule lueur la flamme oscillante de votre briquet, parviendront à nous faire frémir. Enfin, là n'était clairement pas l'ambition de ce cinquième opus, et cela se ressent.

Non, là où il faut vraiment chercher le point fort du titre, c'est dans cette action à couper le souffle, ces poursuites en véhicule, ces phases de shoot de chauve-souris géantes sur le toit d'une ambulance fonçant à toute allure à travers les allées de Central Park. Un parc d'ailleurs joliment modélisé, aux jeux de lumières, bien que discrets, convaincants. Par contre, on ne peut pas en dire autant de la modélisation des personnages, carrément ratée ! Les cheveux de notre bon vieux Carnby paraissent faux au possible, et les animations de vos adjuvants font peine à voir, notamment celles de la (jolie ?) blonde vous accompagnant tout au long de la progression. Bien sûr, la Wii pèche d'un point de vue technique, mais quand même, lorsqu'on a vu Metroid Prime 3 ou encore Mario Galaxy, on se dit qu'il y avait moyen de faire quelque chose de plus correct ! Là, les graphismes de cette version Wii me semblent similaires à ceux de la version PS2... Dommage. Et c'est sans parler des bugs ! Ils se révèlent assez nombreux, un peu trop. D'accord, ces problèmes techniques ne viennent pas gêner la progression, enfin pas souvent du moins, mais cassent d'un seul coup toute la crédibilité acquise au moyen de la multitude d'efforts réalisés par les studios de développement. Tant de réalisme gâché ! Pour vous donner un exemple, en pleine ruée en voiture sur la 59e, une avenue de New-York, j'ai littéralement traversé un autre véhicule, ni plus ni moins ! Certains personnages secondaires se retrouvent également parfois bloqués par un mur invisible, ou votre bélier pour enfoncer une porte disparaît de l'autre côté du mur... Rien d'extrêmement gênant, je vous rassure ! Mais réellement décevant lorsqu'on était pris au jeu du réalisme du titre, car cela nous en extirpe in extremis.

Pour ce qui concerne le Gameplay, je vous l'ai narré en long et en large plus haut il me semble, sachez en tout cas que la jouabilité ne souffre d'aucun défaut majeur, mais comporte tout de même quelques légers bémols. Le pointeur de la télécommande a effectivement tendance à partir en vrille lors d'un passage d'une vue à l'autre, tandis qu'ouvrir sa veste (l'inventaire, donc) ne se fait pas toujours sans accroc. Hé oui : le saut étant assimilé à un coup de Nunchuck vers le haut, on se retrouve parfois à sautiller sur place alors que l'on désirait se saisir de son pistolet dans le but de défourailler un ennemi sanguinaire nous fonçant dessus. Heureusement, ces opposants n'étant, comme sous-entendu plus haut, pas très futés, vous aurez tout le temps de vous apprêter au combat avant même qu'ils ne soient parvenus à vous asséner un coup... La jouabilité jouit cependant de plus de points forts que faibles, et l'immersion qu'elle procure génère un vrai sentiment de réalisme. On trouve également des côtés novateurs, comme la conduite des véhicules (voir en amont). Du jamais vu sur Wii, un véritable vent de fraîcheur, qui, de surcroît, fonctionne de manière correcte !

La bande-son, quant à elle, constitue à n'en pas douter l'avantage majeur de cet Alone 5 ! Olivier Derivière, compositeur de renom ayant déjà réalisé les mélodies des deux volets de la saga "Obscure", nous livre là un travail splendide ! Des choeurs magnifiques ainsi qu'une harmonie irréprochable générés par ces musiques renforcent énormément l'ambiance déjà oppressante des environnements ! Je ne saurais que trop vous conseiller la Bande Originale de cet opus, en vente depuis le 20 mai dernier, il me semble. Au niveau bruitages, c'est par contre beaucoup moins convaincant : les bruits d'armes à feu et les sons de moteur nous laissent quelque peu perplexes, mais on fera l'impasse dessus sans rechigner en écoutant de plus belle les somptueuses musiques. Sachez également que tous les dialogues sont entièrement doublés en français, afin de renforcer une fois de plus l'immersion, et ce avec un jeu d'acteur ma foi acceptable.

Enfin, la durée de vie du titre n'est pas évidente à évaluer avec ce système de chapitrage ! Si vous êtes plutôt enclins à céder à l'impatience et passer au check point suivant dès que la moindre difficulté vous fait face, vous passerez inévitablement à côté de nombreux moments forts et autres énigmes ingénieuses et, surtout, terminerez le jeu en très peu de temps ! Rien ne vous empêche de retenter l'aventure dans sa globalité par après... Si vous décidez de faire fi de ce remède au blocage intempestif et jouez l'intégralité des niveaux sans tricher, comptez entre quinze et vingt heures de jeu, en fonction de votre capacité à trouver votre chemin, résoudre les énigmes et survivre face aux multiples dangers que Carnby rencontrera. Une durée de vie plus qu'honnête, donc, lorsqu'on la compare avec la majorité des jeux paraissant de nos jours. D'autant plus que recommencer l'aventure ne sera pas désagréable et qu'une rumeur annoncerait même des épisodes à télécharger dans le futur...

Pour conclure, que penser de cet Alone in the Dark 5 sur Wii ? Hé bien, si on sent clairement qu'Hydravision a préféré poser l'accent sur la jouabilité intuitive et immersive plutôt que les graphismes aguicheurs, gageons qu'ils ont réussi leur pari haut la main ! Cette mouture réalisée pour la console de Nintendo offre des sensations et une expérience vidéoludique différente de celle sur les autres plates-formes mais pas inintéressante pour autant, bien au contraire ! Si on fait l'impasse sur les bugs relativement fréquents, on découvre là un titre novateur, réaliste et à la mise en scène à couper le souffle ! Les amateurs de scénario à rebondissements multiples en auront aussi pour leur argent, avec un synopsis bien ficelé qui ne se déroule que lors d'une seule et même nuit. Ceux qui se sentent tentés par l'épopée ténébreuse doivent réfléchir et se demander s'ils sont prêts à réaliser quelques concessions, car l'opus 360 se révèle probablement, bien que moins immersif, bien plus agréable à l'oeil !

En résumé, l'achat de Alone in the Dark sur Wii est envisageable, certes, mais pas les yeux fermés ! Il vous faudra bien peser le pour et le contre, bien que, objectivement, le soft demeure très bon derrière son physique peut avantageux ! Un peu comme Edward Carnby en fait...